Magie Blanche

On reconnaît souvent un spécialiste à ce qu'il a un léger sourire à l'évocation des termes "magie blanche". La raison est fort simple, la magie blanche n'existe pas! Enfin pas vraiment. Pourtant direz-vous, un grand nombre de publications se vantent ou s'enorgueillissent d'être des études, voire des traités de magie blanche. Ce manque de culture et ces niaiseries qui consistent pour des auteurs contemporains à se référer aux ouvrages de leurs confrères, compilateurs comme eux, n'est pas une garantie d'existence de ces fausses sciences! C'est un signe d'involution pour notre société, pas une garantie de sérieux. N'en déplaise à ces braves gens et au troupeau écervelé qui leur servi de public, la magie blanche n'existe pas et n'a jamais existé.


On emploie couramment dans la littérature les termes de mage blanc, pour désigner un adepte n'effectuant que des opérations bénéfiques, par opposition au magicien noir faisant alliance avec les forces des ténèbres. Seulement voilà, il s'agit de littérature, pas d'initiation !

Il n'existe en fait qu'une magie qui se subdivise en plusieurs spécialités. La notion de magie blanche ou noire est purement manichéenne, simpliste, primaire. La frontière entre le bien et le mal est assez peu définie, c'est souvent une question de mode, d'époque ou d'appréciation personnelle. Ce qui était normal à l'époque romaine, châtier un esclave en le mutilant par exemple, ne ferait pas l'unanimité de nos jours. Et pourtant. pour un Romain, ce fi était qu'un acte de justice. Pour en revenir à la magie blanche, elle est née en fait au XVIIIe siècle pour prendre corps au. XIXe et devenir institution au début du XXe.


Dès le XIXe siècle, des écrivains laborieux et des occultistes (encore un néologisme inventé par Eliphas Lévi) méritants ont usé de ces termes qui ont fait leur chemin.
Ces gens qui se piquaient de symbolisme étaient dans une position, il faut le reconnaître, particulièrement inconfortable. L'emprise dictatoriale de l'Eglise catholique, apostolique et romaine (pour respecter sa raison sociale} et la censure officielle maniée avec sévérité, sous la férule de la même Eglise... alliées à l'éthique en vigueur, limitaient considérablement le dialogue. Il ne fallait pas choquer l'opinion, respecter la "morale" et rester dans l' étroite bande du mysticisme sans empiéter sur la science. Seule défrayait courageusement la chronique la franc-maçonnerie et encore avec discrétion. Devant ces difficultés, les ésotéristes de l'époque désireux de renouer avec la grande tradition magique du Moyen Age christianisèrent la magie à outrance. C'est à cette époque que de très beaux rituels issus de la tradition juive ou sorcière, miraculeusement sortis indemnes des holocaustes iconoclastes de l'Inquisition, furent étrillés, baptisés, évangélisés, goupillonnés, exorcisés, bref , mutilés par la verve purificatrice des "ésotéreux". 


Il faut avouer, à la décharge de ces "spécialistes" que cette christianisation avait été commencée au Moyen Age (pour des raisons plus évidentes que celle du souci de plaire ou d'être censuré, puisqu'à cette époque la censure passait par le bûcher !). Le XIXe siècle poussa à un tel point cette méthode que l'observateur (historien) a l'impression que les opérations magiques étaient réservées aux membres du seul clergé. Un autre grave défaut particulier à l' époque est la "mode antique", on fit grec, on fit chaldéen, mais surtout quel massacre, on fit égyptien. Vers 1900, l'orientalisme se surajouta, la confusion atteint un paroxysme. L'effort de renaissance était tué dans l'œuf. La connaissance, paradoxalement, surnagea dans les oeuvres des archéologues et surtout dans la tradition orale populaire ainsi que dans certains groupes ou familles. Celui qui s'essayait à la magie au début de ce siècle se trouvait devant un salmigondis épouvantable. Le plus grand malheur est que ces rénovateurs écrivaient, et ils écrivaient beaucoup trop. En quelques années, la magie (blanche) avait été complètement inventée et les traditions déformées.


L'un des ces plus merveilleux zélateurs fut Joséphin Péladan, qui se surnommait lui-même le "Sar Péladan". Il nous a légué un certain nombre d'ouvrages tels que: Comment on devient mage, Comment on devient fée (pour les dames), Comment on devIent artiste, et surtout Le vice suprême, assez joliment écrit d'ailleurs. C'est gai, frais, plein de charme, mais délirant d'un point de vue initiatique.


Le grand bateleur fut incontestablement le génial Alphonse Louis Constant, abbé de son état, défroqué par nécessité, dit Eliphas Lévi. Il avait un don inné de feuilletonistes, avec lui on atteint au sublime. Le pauvre abbé Constant défroqué et victime d'un de ses confrères, qui sévissait dans l'édition. le célèbre abbé Migne (éditeur de la splendide encyclopédie théologique en 76 et quelques volumes) faisait travailler Constant à la tâche, pour quelques-uns des textes de son encyclopédie. Eliphas Lévi, donc, se mit à gagner son pain et celui de sa femme (il s'était marié) en rédigeant des milliers de pages initiatiques et en rédigeant des rituels. Son oeuvre maîtresse fut son Dogmes et rituels de haute magie qui est un morceau de bravoure (régulièrement réédité).


Il serait malhonnête de dire que ces textes sont totalement dénués d'intérêt, on y retrouve quelques idées maîtresses de la magie et les traces de certaines rituélies, la dilution est telle cependant qu'il ne reste pratiquement rien d'utilisable. Le drame est que ces pionniers ont trouvé des émules, moins raffinés et surtout moins cultivés, qui sévirent jusqu'à notre époque (on croise dans les librairies des "lamas réincarnés", des rose-croix de tradition californienne, des initiés vénusiens... et tous font de la magie blanche !)


La magie blanche est donc la retombée de cet effort de renaissance magique, issue d'une époque passée au laminoir du rationalisme (époque où les scientifiques disaient de la science qu'elle était finie). Cette légende, l'épopée de la magie blanche, s'est continuée jusqu'à nos jours, on la retrouve chez certaines petites cartomanciennes qui sincèrement (?) croient pouvoir agir en faisant de la "magie". Leurs rituels ne sont souvent que des ouvrages de vulgarisation où l'on trouve, pêle-mêle, des psaumes de David en français, des recettes de bonne femme, des petites oraisons rédigées pour les besoins des gazettes ou des grimoires de colportage fin de siècle, à cela s'ajoutent des travaux sur photos (héritiers désinfectés des envoûtements sur statuettes, que par contre nous étudierons en détail) combien plus commodes que ceux de la tradition, surtout pour les praticiens qui ne savent pas les modes opératoires.


La magie blanche se résume en fait à des travaux simplistes, tels que télépathie sur photo ou oraisons dites sous forme de neuvaines devant un cierge ou plus prosaïquement une bougie, cette magie bêtifiante se caractérise par une absence totale de rituélie et n'est "souchée" sur aucune tradition...

 

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