La tradition
de la kabbale est une des plus puissantes (surtout d'un point de
vue technique) et sans doute la moins connue de toute la
magie. Le terme de kabbale, d'écriture kabbalistique synonyme
de mystérieux ou d'indéchiffrable, passé dans le langage
populaire, en est la plus parfaite illustration.
Cette connaissance prodigieuse, aux possibilités étonnantes,
est à peine concevable dans son intégralité par un esprit
humain. Est-ce à dire que l'on ne peut apprendre la kabbale ?
Je répondrai que oui. mais tout dépend de la direction que
vous choisissez ; en fait. la kabbale est une forêt aux arbres
innombrables et aux multiples sentiers. La kabbale peut être
religieuse. métaphysique. mystique. pratique ou spéculation
esthétique. Chose curieuse. l'aspect magique de la kabbale peut
être abordé à un niveau élémentaire. les résultats seront
valables à condition de ne pas demander l'impossible. Dans ce
système totalement indépendant par rapport aux autres
disciplines magiques. les applications pratiques peuvent être
entreprises dès les premiers rudiments acquis. mais les résultats
se situent surtout sur un plan psychologique ou symbolique.
Mais avant tout. il est indispensable de rétablir
certaines réalités relatives à la tradition. Pour quiconque
s'intéresse à la kabbale, une foison de titres se présente.
L'étudiant sincère ne tarde pas à se trouver devant des
textes appartenant à quatre catégories.
La première, respectable et digne de foi, regroupe des textes
historiques commentant l'histoire de la pensée juive, de la
mystique et l'histoire des grands penseurs et écrivains
traditionalistes. Ces textes, fort intéressants, ne font que de
très vagues allusions à la doctrine secrète qu'est la
kabbale.
La seconde catégorie est constituée des textes de kabbale
eux-mêmes tels: le Zohar de Rabi Shimeon Bar Yohaï, le berger
fidèle, le jardin des grenades, l'épée de Moïse, le
Sapher-Ha-Raziel, le Sepher Midot, le Chirim Ha Chir, etc. Pour
un débutant ne connaissant pas le mode de lecture et
l'utilisation que l'on peut faire de ces textes, ceux-ci ne sont
que des ouvrages esthétiques ou narratifs d'une mystique étrange
et forte.
La troisième catégorie est ce que la plupart des écrivains
modernes considèrent comme la kabbale, qu'ils écrivent souvent
cabbale (à tort). Ces ouvrages qui fréquemment prennent le
titre de kabbale pratique, ne sont que des errements dépourvus
d'intérêt.
La quatrième catégorie, très limitée et pratiquement
inconnue, constituée par moins de livres que les mains de
l'homme ne comptent de doigts, regroupe de très authentiques
rituels opératif, apanage de rares privilégiés. Tous les
ignorent, et s'il était donné à l'un de nos modernes
kabbalistes de les lire, il ne pourrait les utiliser, car il lui
faudrait les clefs et celles-ci appartiennent à un enseignement
oral.
Mis à part ce petit nombre de textes à clef, il n'y a pas en Europe
occidentale de livre réellement efficace de kabbale pratique,
permettant de vraies manipulations. Ceux que vous rencontrez
dans la littérature sous le titre de kabbale pratique ne sont
que des ouvrages de pseudo-magie à la sauce judaïque. La
raison en est fort simple: la tradition juive s'implanta en Europe
occidentale dès le haut Moyen Age. A ce moment, deux courants
se manifestèrent, le premier constitué par les vrais
traditionalistes qui se contentèrent de rédiger des ouvrages
de mysticisme ou de métaphysique, monuments d'esthétisme pour
la plus grande gloire de l'Eternel et s'adressant à des théologiens.
Ces ouvrages de haute spéculation débattent des points de détail
de la mystique.
La deuxième branche de ce courant est constituée par les écrits
de certains rabbins initiés, qui ont établi un système
magique, essayant en cela d'imiter une tradition millénaire
dont ils connaissent l'existence (nous parlerons de cette
tradition un peu plus loin, dans le présent texte). La
confrontation de ce judaïsme magique avec la tradition magique
occidentale donna lieu à une naissance monstrueuse appelée
cabbale chrétienne. Mais, dans ce même courant, certains séparatistes
voulurent conserver in- tact l'aspect judaïque. Malgré eux,
pollués par l'intellectualisme, ils n'aboutirent qu'à des
commentaires mystico-magiques et dévièrent de l'orthodoxie. Ce
que les auteurs du Moyen Age, suivis en cela par les modernes
(dont la culture en matière de kabbale est purement historique
et surtout intellectuelle, donc nulle), étudient n'est en fait
que des commentaires de commentaires. C'est-à-dire que la
kabbale que l'étudiant sérieux peut étudier n'est qu'une méthode
magique confuse, issue de la scolastique médiévale.
Ce que l'on
appelle kabbale n'est qu'un syncrétisme entre une magie déformée
et des bribes de traditions .plus anciennes. Le tout amalgamé
avec des commentaires exégétiques sur des commentaires de
commentaires.
Cette mythique kabbale a cependant des défenseurs acharnés.
Les uns brandissant triomphalement des textes réellement
fabuleux, qu'ils ne lisent qu'au premier degré, ignorant que
ces textes ne sont que des commentaires d'un autre texte, dont
ils ignorent les clefs; les autres "découvrant", grâce
à leur culture scientifique, une kabbale issue des traditions
pythagoriciennes, dans laquelle ils mêlent leurs phantasmes
scientistes.
La véritable kabbale est à la fois plus simple et terriblement
plus élevée. Ces pseudo kabbalistes assomment leur public avec
une logomachie bourbeuse, d'une lourdeur intolérable. c'est à
croire que ces malheureux se réfugient à tout prix dans un
langage philosophico métaphysique, de façon à créer
chez leur lecteur la même incompréhension dont ils ont témoigné
eux-mêmes en étudiant les textes aux- quels ils se réfèrent.
Le problème des
"kabbalistes" modernes brandissant leur phraséologie
absconse, c'est qu'ils ne lisent que l'hébreu moderne (et
encore, pas tous,) alors qu'un kabbaliste doit, pour pénétrer
la doctrine, posséder au moins le samaritain, le syriaque,
l'araméen et le protosinaïtique également, savoir lire les
diverses écritures employées, c'est-à-dire 72 + 1, autant que
les livres de l'Ancien Testament.
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