On assiste depuis quelques temps à
une véritable explosion de propositions de formation, de méthode
et d'ouvrages traitant des techniques d'éveil, ou de yogas spécialisés.
Ces informations ont toutes pour objectif la réalisation de
cette entreprise périlleuse que constitue la montée d'énergies
subtiles, connue sous le nom de montée de kundalini. Il serait
vain de décrire l'ensemble de ces techniques, les unes sérieuses,
les autres extravagantes, et plus encore de commenter les égarements
que profèrent les pseudo- gourous et autres affolés de la maîtrise
du serpent... Les uns proposant un mélange de spiritualité de
bazar, où l'on trouve pêle-mêle Christianisme, Bouddhisme,
angéologie primaire et pratique de magie blanche, les autres
l'ouverture des chakras en quelques minutes et la montée de
kundalini express ! Ces affirmations stupides témoignent d'un
manque total de connaissance du sujet et confinent à
l'escroquerie intellectuelle. Afin d'éviter une polémique
fastidieuse, il est préférable de donner une définition appuyée
sur des textes solides et dignes de foi.
Dans les traditions indiennes,
Shivaïte, Hindouiste et plus tardivement dans certaines formes
du Bouddhisme, sont décrites des formes de yogas d'éveil. Ces
yogas ont pour objectif d'atteindre des états de conscience élevés
en pratiquant des ascèses spéciales qui passent par une maîtrise
du corps et des énergies. Ces pratiques sont effectuées par
des en- traînements spéciaux: méditations, postures,
exercices psychiques et spirituels très élaborés. A l'in-
verse des entraînements occidentaux qui préconisent une véritable
"musculation " énergétique, ces voies orientales préconisent
outre la méditation, le contrôle du souffle, l'abstinence
sexuelle rigoureuse, un régime diététique très strict afin
d'économiser les énergies internes pour les sublimer, les
accumuler et les canaliser. Ces ascèses ont comme objectif de
provoquer l'illumination en utilisant la charge d'une énergie
subtile d'origine sexuelle dont le siège est un endroit nommé
chakra racine situé à la base de la colonne vertébrale, très
exactement entre ce dernier point et les organes sexuels. Ce
point spécial se nomme "Kanda". Cette énergie spéciale
est représentée dans les traditions indiennes comme un serpent
lové, qui sous certaines conditions particulières se développe
et se dresse en montant parallèlement à la colonne vertébrale.
Ce "serpent" c'est kundalini, littéralement
"serpent de Shiva", exprimant la montée des énergies.
Kundalini va monter par paliers,
jusqu'au sommet de la tête, provoquant un état spécial que
les traditions orientales traduisent par état de Bouddha, éveil
ou illumination. Au fur et à mesure de la progression, les
"nâdis" (courants) vont parcourir les "sûkshmas"
(passages subtils) et Kundalini va exciter des centres spéciaux
répartis sur le parcours, véritable "noeuds" de
forces appelés chakras dans la tradition orientale. Il est à
noter que la tradition occidentale connaît également ces
points remarquables, qui portent le nom de centres vitaux.
L'ouverture de ces centres est une des préoccupations majeures
de la tradition yogique. Cependant, il convient de préciser que
ces points ne peuvent être ouverts que lorsque kundalini y
parvient, c'est-à-dire qu'ils constituent un obstacle à la
progression du serpent. Ces "ouvertures" font l'objet
d'un travail spécial et constituent un "éveil" spécifique
de ce point. L'éveil en question révélant dès lors des
"pouvoirs spéciaux" ou "siddhis" en
relation avec la qualité du point.
L'étudiant qui se lance dans une
telle voie devra se plier aux exigences rigoureuses du yoga pour
parvenir à cette qualité de réalisation. Il devra dans un
premier temps constituer sa réserve énergétique, puis maîtriser
le "prâna" (souffle), et obtenir un contrôle parfait
de son ascèse. C'est un travail de tous les instants, une
communion subtile, une méditation sans relâche. Viendra
ensuite la montée de l'énergie, et la formation des chakras
qui à l'origine, ne sont que des points symboliques virtuels!
Car chez l'homme normal, les chakras n'existent que
potentiellement, leur existence ne devenant effective qu'en présence
d'une énergie suffisante pour constituer le noeud énergétique.
Les chakras ne sont que des points symboliques. Il est donc
absurde que les gourous-fantôches proposent de les ouvrir ou
simplement de les manipuler. Il est plus malhonnête encore de
la part de ces sordides imbéciles d'affirmer que chez eux l'éveil
est acquis et que kundalini est montée au niveau du chakra suprême
(situé au sommet de la tête). Si ces pauvres débris
intellectuels avaient atteint ce stade d'exception, ils seraient
de- venus Bouddha, ou "Jîvan-Mukta", c'est-à-dire un
libéré vivant, ou éveillé. A ce stade, ils parviendraient à
faire "Samâdhi", état de rupture totale avec le
milieu, réalisant ainsi la vision de la réalité suprême. Cet
état exceptionnel est suffisamment démonstratif pour que celui
qui l'atteint s'abstienne d'en faire état. La puissance intérieure
qui émane d'un tel être est perceptible par tous et ses
"pouvoirs" n'ont même pas à se manifester.
Avant d'envisager d'atteindre cet
ultime aboutissement, les étudiants qui progressent dans cette
discipline pourront rencontrer des "pouvoirs" qu'il
leur est fortement déconseillé d'utiliser afin d'économiser
la précieuse énergie indispensable à leur progression. Et
surtout, risquent de s'arrêter dans la progression pour ne
devenir que de simples fakirs.
C'est là que la pratique
occidentale diffère, puis-qu'elle préconise au contraire
d'exercer et de s'entraîner aux pouvoirs, d'atteindre en cette
matière une virtuosité. Cette démarche, qui peut paraître étonnante,
s'explique par le fait que l'accumulation énergétique préconisée
est effectuée par la captation d'énergies extérieures (magie
sexuelle, tellurisme etc...). C'est donc un exercice de
musculation énergétique, où l'on fortifiera considérablement
les canaux subtils. On comprend que dans cette optique,
l'exercice des talents devient une quasi obligation.
Les étudiants de la voie yogique
doivent obéir à une discipline peu compatible avec une vie
sociale et surtout familiale, car les pratiques de méditation
(pour être efficaces), doivent être poursuivies journellement
de longues heures d'affilée. La poursuite de cette ascèse dure
plusieurs dizaines d'années, et rares sont ceux qui la mènent
à son terme. Il existe dans les traditions orientales des
variantes de cet entraînement, et même des
"raccourcis", mais ces démarches, bien que plus limitées
dans le temps impliquent d'autres difficultés. L'une de ces
disciplines passe par la pratique de l'alchimie interne, mais
elle demeure fort complexe et peu faite pour une vie active.
|