AGRIPPA
DE NETTESHEIM (HEINRICH CORNELIUS)
(1486-1535)
MÉDECIN, JURISTE ET CHERCHEUR ALLEMAND, À LA CULTURE ENCYCLOPÉDIQUE
ET À L'ESPRIT INDÉPENDANT
SA
VIE :
Né
à Cologne, il obtient à vingt ans un diplôme universitaire de
lettres et poursuit ses études dans différentes disciplines :
droit, médecine et théologie.
Connaissant
parfaitement de nombreuses langues, il voyage dans différents
pays européens, mû par les persécutions continuelles dont il
est l'objet, plus encore que par le désir de savoir. Ces problèmes
sont toutefois compensés par l'estime et le respect
inconditionnel que lui portent de nombreuses couronnées, des prélats
de haut niveau, des hommes de science et des philosophes.
Ayant
depuis peu terminé ses études, il part vivre en Espagne puis,
en 1509, en France où il enseigne la théologie. Ses positions
théologiques, respectueuses mais novatrices, provoquent une réaction
hostile des franciscains qui le font expulser de la ville.
Les
années suivantes, nous le retrouvons à Londres, à Cologne
puis en Italie où il vit sept ans, enseignant à Pavie et à
Turin.
Maire
de Metz en 1519, il obtient de l'évêque qu'aucune suite ne
soit donnée à l'accusation de sorcellerie avancée par le
Grand Inquisiteur à l'égard d'une paysanne. Une forte
opposition l'oblige à quitter cette ville. Nous le trouvons
ensuite à Fribourg où il oeuvre en tant que médecin, puis à
la cour de Louise de Savoie où il devient le médecin personnel
de la souveraine, puis à Lyon où il vécut pendant quatre ans.
Son
oeuvre De Incertitute et Vanitate Scientiarum et Artium, qui
voit le jour au cours de ces années, est brûlée en 1531 sur
ordre de la faculté de théologie de la Sorbonne. Au cours de
ces années, Agrippa travaille sur autre oeuvre (probablement
entamée depuis très longtemps déjà) : De Occulta
Philosophia Libri Tres, qui commence à être publiée
(malgré une farouche opposition de la part de l'inquisition) à
Bonn à partir de 1532. Les années suivantes, nous retrouvons
le philosophe à Lyon où il est d'abord incarcéré sur ordre
de François 1er puis libéré. Il trouvera refuge à Grenoble où
il mourra en 1535.
SON
ŒUVRE :
Parmi
les oeuvres qu'on lui attribue (plus de vingt, dont certaines
sont sûrement apocryphes), la plus importante et la plus connue
est De Occulta Philosophia Libri Tres.
Cette
oeuvre est publiée en édition complète en 1533, par volume in-folio
de six pages non numérotées et trois cent soixante-deux
pages numérotées. Elle ne porte pas le nom de l'éditeur ni
l'endroit où elle a été imprimée mais uniquement
l'indication de la date: juillet 1533.
Cette
publication vaut à Agrippa des luttes très dures avec le sénat
des magistrats de la ville de Cologne, auprès desquels un moine
de l'inquisition accusa Agrippa d'hérésie.
Ces
réactions, bien que condamnables, sont compréhensibles
après une lecture attentive de De Occulta Philosophia Libri
Tres : cette oeuvre, divisée en trois livres, aborde la
magie d'un point de vue traditionnel et initiatique. fi ne
s'agit donc pas d'un recueil de superstitions anciennes (même
si celles-ci apparaissent de temps en temps) mais d'un texte de
haute magie qui met l' accent, dès le début, sur la préparation
du magicien. Celui- ci doit être investi d'une illumination
spirituelle venant du haut, transmise par son maître, après s'
être purifié grâce à une maturation et un développement
spirituel. Sans ce premier pas, aucune oeuvre ne peut être
considérée comme véritablement magique, il ne s'agira alors
que d'un ensemble d'actes de sorcellerie, donc voués à
l'insuccès.
Le
premier livre traite de la Magie Naturelle. Après un préambule
où il définit la magie (science supérieure qui rassemble la
physique, la mathématique et la théologie), Agrippa traite des
éléments, de leur rapport, des correspondances, des influences
astrales, des caractéristiques et des pouvoirs occultes des
choses, des fumigations, des onguents, des charmes, des envoûtements,
des vaticinations, de la force de la parole.
Dans
le deuxième volume, consacré à la Magie Céleste, ce sont les
vingt-huit premiers chapitres traitant du nombre, du rapport, de
la musique et de la proportion qui sont les plus importants.
Ensuite sont abordés des sujets astrologiques.
Le
troisième livre est consacré à la Magie Cérémonielle.
SA
PENSÉE :
Agrippa
de Nettesheim est à la base du parcours intellectuel d'un grand
nombre de chercheurs en ésotérisme: en effet, il s'est penché,
d'une manière complète et exhaustive, sur tous les aspects les
plus importants de la magie et l' analyse de ses écrits permet
de décrire d'une manière assez précise la vision du monde de
la pensée magique traditionnelle. Ses intuitions relatives à
la numérologie et à la kabbale, ainsi que sa perception de la
figure du magicien, sont tout à fait remarquables.
Malgré
les persécutions dont il fut l'objet (du fait de sa réputation
de sorcier), Agrippa a toujours été un fervent partisan de la
liberté de pensée et d'expression, même s'il était
convaincu, fidèle en cela à la tradition ésotérique, que le
magicien se devait de garder le secret sur tous les sujets
considérés comme incompréhensibles pour les non-initiés et
s' avérant dangereux lorsqu' ils sont révélés à des
personnes qui n' en sont pas dignes ou qui n'y ont pas été préparées.
Il
a de son vivant combattu la phallocratie et a tenté de replacer
la femme à sa vrai valeur. Son "Traité de la Supériorité
de la femme" est une double attaque contre d'une part la
misogynie de la société (religion, états, universités, etc)
et d'autre par contre l'invraisemblable défiance des traditions
magiques de l'époque (femme impropre à la théurgie, etc).
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